Descartes - inférence de la pensée à l'être qui pense

 

« Il est certain que la pensée ne peut pas être sans aucune chose qui pense, et en général aucun accident ou aucun acte ne peut pas être sans une substance de laquelle il soit l’acte. Mais, d’autant que nous ne connaissons pas la substance immédiatement par elle-même, mais seulement parce qu’elle est le sujet de quelques actes, il est fort convenable à la raison, et l’usage même le requiert, que nous appelions de divers noms ces substances que nous connaissons être les sujets de plusieurs actes ou accidents entièrement différents, et qu’après cela nous examinions si ces divers noms signifient des choses différentes, ou une seule et même chose.

Or il y a certains actes que nous appelons corporels, comme la grandeur, la figure, le mouvement, et toutes les autres choses qui ne peuvent être conçues sans une extension locale, et nous appelons du nom de corps la substance en laquelle ils résident ; et on ne peut pas feindre que ce soit une autre substance qui soit le sujet de la figure, une autre qui soit le sujet du mouvement local, etc., parce que tous ces actes conviennent entre eux, en ce qu’ils présupposent l’étendue. En après, il y a d’autres actes que nous appelons intellectuels, comme entendre, vouloir, imaginer, sentir, etc., tous lesquels conviennent entre eux en ce qu’ils ne peuvent être sans pensée, ou perception, ou conscience et connaissance ; et la substance en laquelle ils résident, nous disons que c’est une chose qui pense, ou un esprit, ou de quelque autre nom que nous veuillions l’appeler, pourvu que nous ne la confondions pas avec la substance corporelle, d’autant que les actes intellectuels n’ont aucune affinité avec les actes corporels, et que la pensée, qui est la raison commune en laquelle ils conviennent, diffère totalement de l’extension, qui est la raison commune des autres »

                                                                                                                                                 Descartes, Réponses aux troisièmes objections.

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